The Orphan of Zhao

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The Orphan of Zhao
L'Orphelin de la maison de Tchao, tragédie chinoise, traduite en françois par le R. P. de Prémare, de la Compagnie de Jésus, en 1731
WF00034
Western
French
Joseph-Henri de Prémare (1666-1736.0)
1731
Manuscript
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Fragment d’une lettre du traducteur a Monsieur xxx.

Cette piece est tirée du Livre intitulé Yuen Giu Pe’ Tchong.

C’est un recueil des cent meilleures pièces de théâtre qui ayent êté
composées sous la Dynastie des yuen. Ce Livre contient 40. volumes
distribuez en 4 Tav.

Cette piece intitulée Tchao-chi-cou-ell. Le petit Orphelin de la maison
de Tchao est la 85e de ce recueil et se trouve au commencement du 35e
volume.

Les Chinois ne distinguent point comme nous entre comédies et Tragédies.
J’ai intitulé celle cy Tragédie parce qu’elle m’a paruë assez tragique ;
ces sortes d’ouvrages ne différent point des petits Romans chinois,
sinon en ce qu’on y introduit des personnages qui se parlent sur un
Théâtre, au lieu que dans un Roman, c’est un acteur qui raconte leurs
discours et leurs aventures dans son libre.

Dans les livres imprimez on ne use que rarement le nom du personnage qui
parle dans la piece. Ce personnage comme vous verrez par la traduction,
commence toûjours par sannoncer lui-même aux spectateurs et par leur
apprendre son nom et sa profession, dans la piéce, ainsi au lieu de
mettre dans l’imprimé, Tou-Ngan-Cou-Cis, on met Tsing dit.

Une troupe de Comédiens est composée de 8 ou 9 acteurs qui ont chacun
leurs caractéres et leurs rolles affectez à peu près comme dans les
troupes de Comédiens Italiens et dans celles des farceurs qui courent
les Provinces. Ces rolles sont, 1e. celui de Sing. C’est un jeune homme
et souvent le héros de la piéce. S’il y en a plusieurs, on nomme l’autre
siao-sing - - - c’est l’ami ou le rival de Sing.

2e. Tan – c’est une jeune fille – dont le personnage répond a celui de
Sing de même que celuy de Siao-Tan répond à celuy de Siao Sing, et sert
a representer l’amie ou la rivale de Tan.

3e. C’est une vielle femme ordinairement la mere de Sing ou celle de
Tan.

4e. Mo ou quelquefois Tchung-Mo ou bien Tching Mo. Ces acteurs sont
nommez les personnages de corveés (?), c’est-à-dire des personnages
d’honnestes gens.

5^(e). Vaï ( ?) sert a representer de mauvais caracteres quoi que cela
n’ait pas toûjours lieu.

6^(e). Tsing – cet acteur est destiné à representer les grands scélérats
aussi dans le piéce suivante est-ce celui qui fait le rolle de
Tou-Ngan-Cou, comme vous venez de le voir.

Le même Comédien sert souvent à representer plusieurs rolles différents,
car comme les Chinois mettent tous en actions et en dialogues, cela
multipliéroit trop le nombre des acteurs. Dans la tragédie que je vous
envoye il n’y a que 5 comédiens, quoy qu’il ya ait au moins 10 our 12
personnages parlant en comptant les Gardes et les Soldats ; il est vrai
que l’acteur, comme je l’ai déjà dit, commence toûjours à s’annoncer en
entrant sur le Théatre ; mais le spectateur qui voit toujours le même
visage a deux personnages très différents doit éprouver quelqu’
embarras, un masque rémedieroit a ces inconvéniens, mais les masques ne
servent guères que dans les balets et ne se donnent qu’aux scélérats et
aux chefs de voleurs.

Les Tragédies Chinoises sont entremêlées de chansons dans lesquelles on
interrompe assez souvent le chant pour réciter une ou deux phrases du
ton de la déclamation ordinaire, nous sommes choquez de ce qu’un acteur
au milieu d’un dialogue se met tous d’un coup à chanter ; c’est que nous
ne prenons pas garde que le chant est pour y exprimer comme la joye, la
douleur, la colere, le désespoir, par éxemple un homme qui est indigné
contre un scélérat chante, un autre, qui s’anime à la vengeance, chante,
un autre qui est prest de se donner la mort, chante. Il y a des piéces
dont les chansons sont difficiles à entendre, surtout aux Européens
parce qu’elles sont remplies d’allusions à des choses qui nous sont
inconnuës, de figures dans le langage dont nous avons peine à nous
apercevoir, les Chinois ont leur poësie comme nous avons la nôtre, et si
nous leur disions il y a 4 Graces, 2 Vénus, et 10. Muses – parce qu’une
telles est toute ensemble une grace, une Vénus et une Muse.

Le nombre des airs de ces chansons des tragédies chinoises est assez
borné, et dans l’impression, on désigne cet air à la tête de chaque
chanson. Ces chansons sont imprimées au gros caractères pour les
distinguer de ce qui se réciter.

Les tragédies chinoises sont divisées en plusieurs parties que l’on
pourroit nommer actes, la premiere se nomme Sie-Tsé, elle ressemble
assez à un Prologue ou introduction. Les autres se nomment Tché. Si l’on
veut diviser ces Tché par les entrées et les sorties des Personnages.

Cette traduction ayant êté faite fort à la hâte et currente calamo,
peut-être le texte ne sera-t-il pas toûjours rendu assez literallement,
mais le sens s’y trouvera toûjours avec éxactitude ; quand au stile,
vous sentez qu’il est extrêmement négligé et qu’il se sent en beaucoup
d’endroits du long séjour que j’ai fais a la Chine et de la construction
et du stile sauvage de mon original, au moins par rapport a nôtre
construction francoise.

J’espere que rien de cela ne nous empéchera de sentir les beautez et les
grands sentimens répandus dans cette piéce. Elle n’est pas suivant nos
regles, mais les chinois ne sont pas obligez de scavoir ne de suivre nos
regles de Théâtre, il leur suffit de plaire, de toucher, d’exciter a la
vertu, et de rendre le vice odieux. Ce sont là les objets qu’ils se
proposent et ils réussissent au près de leurs compatriotes ce qui doit
leur suffire. xx.