A Modern History of the Chinese, Japanese, Indians, Persians, Turks, Russians, & c.

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A Modern History of the Chinese, Japanese, Indians, Persians, Turks, Russians, & c.
Histoire moderne des Chinois, des Japonais, des Indiens, des Persans, des Turcs, des Russiens, &c. : pour servir de suite à l'Histoire ancienne de M. Rollin
WF00033
Western
French
François-Marie de (1714-1763) Marsy (1714-1763.0)
1: 280-285
1755
Paris: Desaint & Saillant
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ARTICLE VI.

Pieces de Théatre. Muſique.

Les Chinois n’ont point de Théâtre tres publics ; ſoit que le génie de
la Nation ne ſoit point porté à ce genre d’amuſement, ſoit que le
ſévérité des mœurs empêche de les autoriſer. Mais, dans preſque toutes
les villes, il y a des troupes de farceurs qui voint jouer la comédie
dans les maiſons où on les appelle. Lorſqu’un grand Seigneur donne un
repas d’appareil, il ne manque gueres de procurer ce divertisſſement à
ſes hôtes. Tout ce qu’on peut dire à l’avantage de ces comédies, c’eſt
que les mœurs y ſont ordinairement reſpectées. Du reſte il n’y faut
chercher ni régularité, ni intérêt, ni même aucune eſpece de
vraiſemblance. Le P. de Prémare nous a donné la traduction d’une
Tragédie Chinoiſe, tirée d’un grand recueil qui contient cent de leurs
meilleures pieces. Elle eſt intitulée le petit Orphelin de maiſon de
Tchao. On ſuppoſe que cet orphelin eſt fils d’un Miniſtre d’Etat nommé
Tchao, qui, ſuccombant ſous le crédit d’un autre Miniſtre appellé
Tou-ngan, perd la vie, & laiſſe un fils po ſthume, qui tire à la fin
vengeance de la mort de ſon pere. Toutes ces actions ſe paſſent dans la
piece. Dans la premiere ſcene Tou-ngan paroît, & dit : Je ſuis Tou-ngan,
premier Miniſtre de la guerre. Enſuite il fiat part aux ſpectateurs de
l’ordre cruel qu’il a obtenu du Roi, pour envoyer à Tchao une corde, du
vin empoiſonné, & un poignard, avec commandement d’opter entre ces trois
choſes. Tchao arrive dans la ſeconde ſcene, & dit : Je ſuis Tchao,
Miniſtre d’Etat. Chaque acteur s’annonce de la ſorte, la premiere fois
qu’il entre ſur le théatre. Dans la même ſcene l’Envoyé du Roi ſurvient,
& fait part à Tchao des volontés du Prince. Tchao choiſit le poignard, &
ſe tue en préſence de ſa femme, qu’il laiſſe enceinte. Dans l’intervalle
de la ſeconde & de la troiſieme ſcene, cette femme accouche d’un fils,
qui est cet Orphelin ſur qui roule l’intrigue. Dans la quatrieme ſcene
la veuve de Tchao reparoît ſur le théatre ; dans la cinquieme elle
s’étrangle. Tout le reſte eſt conduit dans le même goût.

Ces pieces ſont ordinairement entrecoupées de chants & de ſymphonies.
Les oreilles Européennes ſont fort bleſſées de cette muſique, qui eſt
d’une platitude & d’une monotonie inſoutenable ; mais elle a des charmes
infinis pour les Chinois. Ces peuples s’attribuent la premiere invention
de cet art, & prétendent l’avoir porté anciennement à ſa plus haute
perfection. Mais ſi leurs prétentions ne ſont pas chimériques, il faut
que cette ſcience ait étrangement dégénéré parmi eux. Il eſt certain
qu’elle étoit autrefois en grande eſtime chez ces Aſiatiques. Leur
hiſtoire nous apprend que Confucius entreprit d’introduire cet art
aimable dans les différentes contrées dont on lui confia le
gouvernement, & les Chinois ſe plaignent d’avoir perdu les anciens
livres qui traitoient de cette matiere. Ils n’ont point de caracteres
pour noter leurs airs, & ils n’exécutent rien que par routine :
d’ailleurs, ils ne connoiſſent qu’une ſeule partie, qui eſt la même pour
les voix & pour les inſtrumens. Ils n’ont point de mineure, & ils ne
diſtinguent point d’intervalles d’un ton à l’autre ; ils ne hauſſent &
ne baiſſent la voix que d’un tierce, d’une quinte & d’une octave.

Ils aiment aſſez notre muſique d’Europe, pourvu qu’il n’y ait qu’une
voix qui chante, & que les accompagnemens répetent le même ſujet. Pour
ce qui eſt de la diverſité des parties, & du contraſte des voix & des
inſtrumens, ils traitent cela de déſordre & de cacophonie ridicule.
L’Empereur Chang-hi prenoit plaiſir à entendre jouer des airs de
clavecin par les Peres Grimaldi & Pereira, & voulut lui-même s’inſtruire
de cet art. Un jour, qu’il joua en leur préſence un air Chinois, le P.
Pereira prit ſes tablettes, & ayany noté l’air, il l’exécuta auſſi-tôt.
L’Empereur en fut ſurpris, & demanda au Miſſionnaire comment il avoit
appris en ſi peu de temps un air que ſes plus habiles Muſiciens
n’étoient pas en état d’exécuter qu’après une longue étude, & quantité
de répétitions. Pereira répondit que les Européens avoient trouvé l’art
de noter les ſons ſur le papier, au moyen de certains caracteres dont
ils ſe ſervoient ; & pour le convaincre qu’il n’avançoit rient qui de
fût vrai, il fit le même eſſai ſur d’autres airs qu’il joua ſur le champ
après les avoir notés. L’Empereur fut ſi frappé de la beauté de cette
invention, qu’il inſtitua une Académie de Muſique, dont il confia la
direction à l’un de ſes fils.

Les Chinois ont pluſieurs ſortes d’inſtrumens dont l’invention leur eſt
particuliere : les uns ſont de métal, les autres de pieree. Dans ce
dernier genre il y en a un qui reſſemble à nos trompettes. Quelques-uns
ſont garnis de peaux, comme nos tambours. Il y en a de ſi peſans, que
pour en faire uſage il faut les appuyer ſur des pieces de bois. Ils ont
un grand nombre d’inſtrumens à cordes : ces cordes ſont ordinairement de
ſoie, & rarement de boyau. La plûpart n’ont que trois cordes ſur
leſquelles on paſſe l’archet. Cependant il y en a un à ſept cordes, dont
le ſon eſt aſſez harmonieux. On en voit d’autres qui conſiſtent
uniquement dans les tablettes de bois, qu’on frappe l’une contre
l’autre. Les Bonzes en ont un qui eſt compoſé d’une petite planche : ils
s’en ſervent avec beaucoup d’adreſſe. Enfin, on trouve à la Chine
quelques inſtrumens à vent, comme des flûtes de différente eſpece ; à
quoi il faut ajouter une eſpece d’orgue, ou de ſerinette, compoſée de
pluſieurs tuyaux, & ſi petite, qu’elle ſe porte dans la main. Les
Auteurs Anglois, de qui j’ai emprunté la plûpart de ces détails
(Hiſtoire génér. des Voy. Tome VI) obſervent que le P. Pereira ayant
trouvé le moyen d’agrandir une orgue que l’Empereur lui avoit donnée, il
la fit placer dans l’Egliſe des Jéſuites de Pe-king, & en joua pluſieurs
fois en préſence des Chinois, qui furent charmés de la nouveauté & de
l’harmonie de cet inſtrument.