Les voyages de Kang-Hi. 1

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Les voyages de Kang-Hi. 1
Les voyages de Kang-Hi ou nouvelles lettres chinoises
WF00010A
Western
French
Pierre-Marc-Gaston de Lévis (1764-1830)
1:208-232
1810
Paris: P. Didot LAiné
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LETTRE XIX.

DU MÊME AU MEME.

Paris, le 11 août 1910.

LES spectacles, mon cher Wam-po, sont plutôt pour les voyageurs un objet
de curiosité , qu’un véritable amusement. L’habitude exerce sur les
hommes un si grand empire, et les dispositions des peuples sont si
différentes, qu’il est impossible que ce qui n’offre pas des jouissances
bien positives, leur plaise à tous également. Cependant Paris semble
faire une exception à cette réglé : il faut que ses spectacles
surpassent réellement ceux des autres capitales, car les Français ne s’y
plaisent pas plus que les étrangers. C’est sur-tout à l’Opéra qu’on les
voit en foule, et je ne m’en étonne pas, puisque tous les sens y sont
charmés à-la-fois : on se croit transporté dans des jardins délicieux ou
sous de superbes portiques ; les danses des Bayaderes y sont encore plus
voluptueuses que dans l’Orient; et la musique y seroit presque toujours
ravissante sans les cris de quelques acteurs. La magnificence d’un tel
théâtre me fait mieux sentir la mesquinerie des nôtres. Les salles, ou
plutôt les baraques que nos comédiens occupent dans les faubourgs , vous
paroissent, ainsi qu’à moi, mon ami, si incommodes, que nous préférons
de les faire venir dans nos maisons; mais, faute d’habits convenables,
ils sont obligés de dire en entrant sur la scene le nom du personnage
qu’ils représentent. Souvent même ils se chargent de plusieurs rôles. Il
est vrai que les choses se passent autrement à la cour. Plusieurs de nos
palais impériaux renferment des salles de spectacles , mais elles ne
sont pas si grandes que les foyers de celles de Paris. Il y a dix ans
que j’eus l’insigne honneur d’assister à une représentation donnée à
Yven-ming-yven, à l’occasion de l’arrivée de quelques ambassadeurs
européens. Cette fête étoitloin de répondre à l’éclat qui doit
environner le trône du plus grand souverain du monde. Des hommes dont le
visage étoit barbouillé de blanc et de noir, et dont les épaules étoient
affublées de grandes ailes, figuroient assez mal nos anciens héros ;
mais ce qui rne choqua le plus, ce fut de voir des divinités à queue de
poisson, et des monstres marins traverser gravement le théâtre à pied
sec, tandis que d’autres acteurs portoient une houssine pour signifier
qu’ils auroient dû être à cheval[1]. En France, au contraire ,
l’illusion est complette ; au moyen d’un mécanisme caché, les habitants
de l’Olympe descendent sur des nuages, la terre s’entr’ouvre, il en sort
tout-à-coup des palais ou des feux dévorants ; enfin les prodiges de
l’Opéra feroient croire à la magie.

Les autres théâtres , sans avoir autant de moyens de plaire, ne sont pas
moins suivis , et tous les soirs des milliers de spectateurs vont y
consumer quatre ou cinq heures, c’est-à-dire environ le tiers de leur
journée. Cette affluence extraordinaire pourra vous surprendre, mais ne
m’étonnoit point après ce que j’avois vu dans le monde. Je trouvois fort
simple que les oisifs de la capitale , excédés de ces visites d’usage,
où l’on se voit sans plaisir , où l’on se quitte sans regret, si
différentes du doux commerce de l'amitié que souvent on desire
réciproquement de ne pas se rencontrer, cherchassent à remplacer ces
jouissances par les plaisirs de l’illusion ; qu’ils préférassent des
pièces conduites avec art, écrites avec esprit, remplies de sentiments
délicats et élevés, à la futilité de fades entretiens. Mais, mon ami,
cette explication, qui paroissoit si naturelle, ne sauroit être la
véritable ; car, à l’exception des anciens chefs-d’œuvre que tout le
monde sait par cœur, les pièces que l’on joue aujourd’hui sont pour la
plupart aussi insipides que les conversations. Il faut donc chercher
ailleurs l’origine de ce goût immodéré des spectacles, que le
désœuvrement seul ne suffit pas pour expliquer , puisque les nations
laborieuses le partagent avec celles qui redoutent le travail : ne
pourroit-on pas la trouver dans cette disposition constante que l’homme
a pour la fiction, et qui se fortifie bientôt chez lui par le
mécontentement de sa situation présente , qui le porte à chercher dans
l’illusion le dédommagement de la réalité? Ce penchant est universel, et
se montre dès l’âge le plus tendre. Voyez la nourrice ; pour amuser
l’enfant elle feint de le cacher, et bientôt après elle feint de se
cacher elle-même. Dans peu d’années , ce goût commun aux deux sexes se
développe, et fait la base de presque tous les jeux de l’enfance.
Tour-à-tour écolier ou maître, suivante ou maîtresse, roi ou confident,
chacun s’efforce de prendre le langage, les gestes, et le costume de son
rôle : enfin les enfants sont de véritables comédiens. Tout ce qu’ils
voient, tout ce qu’ils apprennent, la religion, l’histoire, la fable,
leur fournissent le sujet de nouvelles fictions ; et ceux dont
l’imagination est vive en inventent bientôt eux-mêmes.

Ce goût des représentations théâtrales est du petit nombre de ceux sur
lesquels le climat n’exerce aucune influence ; car dans tous les pays il
se montre dès le commencement des sociétés. On joue encore avec succès
dans l’Inde une piece qui étoit célébré long-temps avant l’ère
chrétienne; deux mille ans avant cette époque, on trouve dans l'histoire
de la Chine des réglements sur les spectacles. En Occident, où tout est
si moderne, les renseignements sont plus précis. On sait que les Grecs
inventèrent la tragédie il y a environ deux mille cinq cents ans à
l’occasion des vendanges, et que les chanteurs forains furent les
premiers comédiens[2]. Ces essais informes, divertissement d’un peuple
chez qui la civilisation étoit encore dans l’enfance, furent bientôt
assez perfectionnés pour intéresser l’esprit et émouvoir le cœur. Les
actions héroïques représentées sur la scene excitèrent tour-à-tour
l’admiration, la pitié, la terreur, et ennoblirent la tragédie , tandis
que le malin Aristophane apprêtoit à rire aux dépens des personnages les
plus illustres. Rome, qui alla chercher en Grèce son culte et ses lois,
imita aussi son théâtre. Si les peuples modernes ont été mille ans
privés de spectacles, c’est que le régime féodal, en isolant les
seigneurs dans les châteaux, et en rendant les villes désertes,
s’opposoit à leur établissement. Mais lorsque les rois, devenus plus
puissants, eurent des cours plus brillantes, et que le commerce
débarrassé de ses entraves eut commencé à repeupler les cités, on les
vit reparoitre. D’abord ils se ressentirent du mauvais goût qui régnoit
alors: un mélange indécent et grotesque du sacré et du profane choquoit
autant la bienséance que la raison, jusqu’à ce que le génie, en
rappelant les réglés antiques, eût prouvé par de nouveaux exemples qu’il
étoit encore possible d’en vaincre les difficultés. Sur la scene
française parurent presque en même temps deux hommes tels que le cours
des siècles en produit rarement. L’un excella à dépeindre les héros,
l’autre à tracer les caractères marquants de la vie privée. Jadis
Aristote, le précepteur de cet Alexandre, à qui il ne manqua que de
vivre âge d’homme pour détruire Rome et con-quérir la Chine, philosophe
dont le génie étoit aussi vaste pour les lettres, que celui de son éleve
pour la politique, avoit défini la comédie la peinture du ridicule des
méchants. Moliere a rempli toutes les conditions de ce problème
difficile : il a peint les vices et les défauts avec une si grande
vérité, que ses portraits seront toujours reconnoissables tant qu’il y
aura des hommes. La différence des temps et des usages ne sauroit
diminuer leur ressemblance, et l’habitant de Pékin en sentira le mérite
comme celui de Paris ou de Londres. Cependant la comédie de caractère,
cette mine pré-cieuse, a été épuisée presque aussitôt qu’elle a été
ouverte, car le nombre des travers et des vices est aussi borné que
celui des vicieux est grand.

La tragédie, au contraire, a d’immenses ressources, tout ce qui porte
l’empreinte de la grandeur est de son domaine. L’insatiable ambition, le
dévouement d’une amitié généreuse, la jalousie et ses fureurs, la
tendresse paternelle capable de si grands sacrifices, l’amour de la
patrie qui forma tant de héros, la religion, son enthousiasme et ses
martyrs, fourniront toujours au talent des scenes attachantes et
nouvelles; et s’il étoit possible que les sources abondantes de la fable
et de l'histoire fussent jamais taries, l’inépuisable imagination
sauroit y suppléer.

En vain des réglés séveres , des difficultés de tous les genres semblent
s’opposer au succès de ces nobles entreprises , les grands obstacles ne
font qu’exciter le génie. Une forte contention de l'esprit peut en faire
jaillir de plus grandes beautés. Ainsi l'arc lance d’autant plus loin la
fléché qu’il est plus tendu.

Il est également vrai que les spectateurs sont naturellement disposés à
s’intéresser aux actions des princes et de ces grands personnages dont
les déterminations ont tant d’influence sur la destinée des peuples. Les
efforts inutiles d’un souverain à qui rien ne résiste, et qui ne peut
réprimer les mouvements de son propre cœur, plaisent au commun des
hommes : le contraste de tant de puissance et de tant de foiblesse offre
un dédommagement secret à l’amour - propre , qui pardonne rarement au
pouvoir; et cependant les âmes douces et sensibles déplorent sincèrement
les misères royales ; elles se sentent plus attendries sur le sort de
ces grands infortunés privés des secours de la consolante amitié.

Il est donc certain de réussir, l’écrivain qui, doué d’un talent
supérieur, saura faire le choix d’un sujet heureux, et le conduira avec
un intérêt toujours croissant jusqu’à un dénouement inattendu , et
cependant vraisemblable; lorsqu’il tirera delà situation quelques uns de
ces traits sublimes semblables à ceux qui brillent dans Corneille et
Shakespear ; le vulgaire même saura les apprécier, il applaudira avec
transport des sentiments auxquels il ne peut atteindre, comme on regarde
avec un étonnement mêlé d’admiration ces sommets inaccessibles sur
lesquels les aigles seuls peuvent s’élever.

Un tel succès ne sera point éphémère. Quoique la curiosité soit
satisfaite, on ne se lasse point de voir un ouvrage qui peut soutenir un
examen approfondi : après avoir jugé de l’ensemble , on se plaît à
analyser le travail de l’auteur, le mécanisme de l’ouvrage ; on fait des
rapprochements entre les tragédies des anciens èt celles des étrangers
qui peuvent offrir quelques traits de ressemblance avec la piece
nouvelle; on s’occupe du style, de la justesse des pensées, de
l’harmonie des vers ; enfin on juge les acteurs; on se rappelle ceux qui
les ont précédés dans cette carrière difficile ; on compare ce qu ils
font à ce que l’on a vu, à ce qu’ils pourraient faire; on prend parti,
on s’anime; tous ces rapprochements, toutes ces discussions détruisent
sans doute l’illusion théâtrale , mais il en résulte des amusements non
moins vifs, et que l’on aime à renouveler.

Passons de ces considérations générales à l’examen des spectacles en
France. Je n’ai assurément pas la présomption de m’établir juge de
littérature dans une langue qui m’est étrangère. Je trouve trop ridicule
la prétention de ces Allemands dont l’oreille est si dure et le gosier
si peu flexible, qu’ils ne sauroient ni prononcer, ni meme entendre
plusieurs lettres de l’alphabet des Français, et qui cependant s’avisent
de critiquer le style du divin Racine, le plus mélodieux de leurs
poètes[3]. Je me contenterai de vous rapporter fidèlement ce que
j’entends dire par des personnes qui passent pour éclairées. On prétend
que dans la plupart des tragédies nouvelles on trouve des atrocités
froides qui, au lieu d’inspirer la terreur, n’excitent que le dégoût,
des tyrans plats, des ambitieux sans moyens, des héros langoureux; on
dit que les personnages historiques, au lieu de manifester des
sentiments dignes de leur illustre mémoire, débitent avec emphase des
pensées fausses ou triviales. On croiroit entendre la voix ridicule d’un
nain sortir de la bouche d’un géant ; enfin ils s’expriment dans un
langage dur, désagréable, incorrect, et que l’on prendroit pour de la
prose sans la gène des vers et le fréquent retour de ces mots oiseux que
la rime appelle de si loin.

Est-il donc singulier que toutes ces pièces aient peu de succès, et ne
doivent quelques représentations qu’aux efforts d’une cabale ou aux
intrigues d’un parti ? Cependant les auteurs n’en sont pas moins vains.
Ils en appellent hardiment à la postérité, et racontent avec
complaisance que la meilleure tragédie française, Athalie, n'eut aucun
succès dans les commencements, et qu’elle ne sortit que par un heureux
hasard de l’obscurité à laquelle ses contemporains sembloient l’avoir
condamnée.

La comédie n’est pas dans une meilleure situation ; presque toutes les
pièces modernes ne sont que de longues conversations, dont une recherche
d’esprit déplacée bannit le naturel et la gaieté ; quelques incidents
bizarres, sans intérêt comme sans vraisemblance, remplissent les scenes
sans exclure l’ennui. Cependant il seroit injuste d’attribuer
entièrement aux auteurs la décadence de cette branche de la littérature
: l’état où sont les mœurs peut jusqu’à un certain point leur servir
d’excuse. Les progrès de la civilisation, ou plutôt ceux de la politesse
ont émoussé les traits saillants des caractères ; c’est un vernis qui ,
sans donner de la force à la matière qu'il recouvre, en cache les
défauts , et fait briller la surface. Les travers paroissent donc moins
ridicules, les vices moins difformes, les passions moins vives, et les
contrastes, autrefois si piquants, ont disparu pour toujours : enfin les
livrées de l’opinion produisent sur la société entière le même effet que
l’uniforme sur un régiment, dont à quelques pas tous les soldats se
ressemblent.

Plusieurs personnes ont prétendu qu’il étoit possible de tirer un grand
parti des spectacles en faveur de la morale publique. Cette opinion est
peut-être vraie dans l’enfance des sociétés. On conçoit, que des leçons
de vertu mises en action sont capables de produire une forte impression
sur des âmes simples, et qui n’ont pas à redouter la tentation des
jouissances du luxe; mais dans la situation actuelle des choses, au
point de raffinement et de corruption où tous les peuples civilisés , et
sur-tout les habitants des grandes villes sont parvenus, quel bien
espérer des plus belles maximes débitées pompeusement sur le théâtre ,
lorsqu’elles sont tellement démenties par l’exemple général, qu’elles
paroissent faites pour les habitants d’une autre planete? de ces
hommages de bienséance rendus si souvent de mauvaise foi à la vertu,
véritable secret de comédie dont personne n’est dupe, puisque dans les
discussions le côté fort du raisonnement est rarement en sa faveur?
Aussi la réformation des mœurs est si peu le but que l’on se propose que
, si par hasard la première piece , composée dans un meilleur esprit,
est conforme aux réglés d’une morale austere, elle est immédiatement
suivie (comme si l’on craignoit qu’elle ne fit trop d’impression) par
une comédie où le vice est représenté sous des dehors aimables, et où
les hommes pourroient au besoin trouver des moyens de séduction , et les
femmes des leçons de coquetterie. Vous voyez bien, mon cher Wam-po, que
l’on peut appliquer au théâtre Français ce que disoit des nôtres un
philosophe de la dynastie passée: “Les spectacles sont des especes de
feux d’artifice d’esprit qu’on ne peut voir que dans la nuit du
désœuvrement. Ils avilissent et exposent ceux qui les tirent, fatiguent
les yeux délicats du sage, occupent dangereusement les âmes oisives,
exposent les femmes et les enfants qui les voient de trop près, donnent
plus de fumée que de lumiere, ne laissent qu’un dangereux éblouissement,
et causent souvent d’horribles incendies[4].”

Cette façon de penser est si universelle, que quoique la plupart des
comédies et des tragédies chinoises semblent faites pour montrer la
honte du vice et le charme de la vertu, elles ont acquis très peu de
gloire à leurs auteurs. Il y a meme eu, comme vous savez, un empereur
privé des honneurs funéraires pour avoir donné trop de temps aux
spectacles, et trop fréquenté les comédiens. Ceci sert à expliquer
pourquoi l’art dramatique ne s’est pas élevé en Chine à une aussi grande
hauteur que les autres branches de la littérature. Cependant, si nos
historiens et nos moralistes l’emportent de beaucoup sur les auteurs qui
ont écrit pour le théâtre, on peut dans l'immense nombre de leurs
compositions en trouver plusieurs que je n’oserois comparer à cause de
leurs irrégularités avec les bonnes pièces françaises, mais
quipourroient, sous le rapport de la force tragique et de l’élévation
des pensées, lutter avec avantage contre les ouvrages des Anglais, des
Espagnols, et des Allemands[5].

Au reste, on ne sauroit disconvenir que les Européens ne retirent un
grand avantage des spectacles, puisqu’ils empêchent l’oisiveté
d’employer encore plus mal la fin de la journée. Cette considération est
surtout importante dans un pays où la distribution du temps,
relativement à la nourriture, est aussi mal ordonnée qu’en France. En
plaçant le principal repas à une heure avancée, et cependant encore
éloignée de celle du sommeil, le travail de l’après-dîner est devenu
impossible pour le plus grand nombre. Cette coutume, qui remonte au
commencement de la révolution, et qui a successivement gagné toutes les
classes dans les grandes villes, a eu des conséquences plus funestes
qu’on ne le croit communément.

Si un voyageur n’étoit pas, par état, obligé de tout voir et de tout
raconter, je me dispenserois de vous parler de ce que l’on nomme ici les
petits spectacles. Sur quelques uns de ces théâtres l’on joue des
pantomimes, où à force de gestes et de contorsions on cherche à foire
com-prendre aux spectateurs une longue suite d’évènements
invraisemblables, et qui se ressemblent tous. Ce genre de représentation
est fait pour plaire à une nation curieuse et vaine, qui met de
l’amour-propre à deviner les énigmes de toute espece, et où chacun a en
outre le plaisir de remplacer les paroles, que souvent dans les autres
pièces il a raison de trouver mauvaises, par son propre style qu’il
trouve toujours excellent. Cet avantage ne se trouve pas aux autres
petits théâtres. Là on offense à-la-fois la décence, la langue et le
goût : les héros sont des hommes d’une classe si abjecte , qu’elle
inspire à Paris presque autant de dégoût que l'on en a dans l’Inde pour
les parias; la bouffonnerie y tient lieu de gaieté, et l’on y admire
comme des traits d’esprit une éternelle répétition de misérables jeux de
mots. Cependant toutes ces salles sont constamment remplies. Les
Européens n’ont-ils pas mauvaise grâce de nous reprocher le goût que
nous avons pour les sauteurs et les faiseurs de tours?

[1] Hüttner, page 110. De Guignes, t.2, p. 324.

[2] Tragos-oîde, chant du bouc, victime consacrée à Bacchus, et le prix
du vainqueur. Komasoîde (Kata sous entendu) chant dans les bourgs.

[3] Ces lettres sont au nombre de cinq ; le B, le D, le J, le V, et l’U.
Ce qui prouve d’une maniéré incontestable que les Allemands n’entendent
pas distinctement le son de ces lettres, c’est que lorsqu’ils prononcent
par exemple chatte au lieu de jatte, pois au lieu de bois, ils croient
prononcer exactement comme les Français.

[4] Cette citation est tirée des Mémoires sur les Chinois, t. 8, p. 227.

[5] Voyez dans la collection de Du Halde, t. 3, éd. in-fol. le petit
orphelin de Tchao, tragédie en cinq actes. Cette piece est d’un grand
intérêt, et n’est entachée d’aucune de ces bouffonneries qui déshonorent
la scène anglaise. Elle est tirée d’un recueil de cent pièces, composées
pendant la dynastie des Yven. On trouve aussi dans le Haou-ou-choan, t.
4, l’argument d’une comédie d'intrigue.