La Chine, moeurs, usages, costumes
- Info
- Pages
- Transcript
- Related
Musicien ambulant.
CE Virtuose de carrefour peut colporter aisément son orchestre d’une
province à l’autre. Une natte étendue par terre, pour siège le coffret
qui renferme son bagage, le voilà tout préparé à se faire entendre. Il
chante, en s’accompagnant d’une sorte de guitare; et en même tems, à
l’aide de ses pieds nus, et de leurs orteils presque aussi flexibles que
les doigts des mains, il frappe sur un tambour de basque ou Timbale
aplatie ; il fait résonner des cymbales bruyantes.
Le mérite de notre Troubadour chinois, à ce qu’il parait, n’est point
borné aux seuls instrumens dont il joue en ce moment. On aperçoit, à
moitié sortis d’une enveloppe grossière, un Yo, flûte faite de bambou,
et un La-Pa, trompette bien ancienne, puisqu’elle est due aux inventeurs
du système musical.
A la gauche de l’Orphée voyageur, on remarque comme deux touches de
métal liées à un bout de ruban, et que l’on serait tenté de prendre pour
des castagnettes. Plus près de lui, se trouve une pièce de bois creux,
ayant à peu près la forme d’un cœur ; c’est encore un instrument à son
usage. Ce bois sonore, quand on le frappe avec un maillet, rend un son
désagréable et lugubre, pareil à celui que tire d’un morceau de bambou
évidé, un soldat du guet ou veilleur de nuit de Pékin. Souvent même il
arrive à ces derniers de substituer au bambou la pièce de bois en cœur.
On compte huit instrumens, dont aucun peuple ne conteste l’invention à
la nation chinoise. Les autres, aussi nombreux que variés, ont ailleurs
leurs analogues ou leurs modèles : tels que le luth, la mandoline, une
espèce d’orgues portatives, etc. Le violon européen n’est encore entre
les mains que d’un très-petit nombre d’initiés; les autres le remplacent
par un instrument à peu près de la même forme, mais à deux cordes
seulement, et dont l’origine est arabe ou persanne. Quant à la musique
de ces Enfans privilégiés du Ciel, elle est presque aussi barbare que
celle des Péruviens et des Mexicains[1]. Leurs Lettrés prétendent
qu’elle était meilleure autrefois. Telle qu’elle est, au reste, ils s’en
contentent; et l’Empereur Kang-Hi, qui ne négligea rien pour faire
adopter des innovations dont les avantages lui avaient été démontrés par
les missionnaires, se vit contraint de rétablir l’ancienne musique dans
toute son intégrité.
[1] Leur gamme al imparfaite, leurs clefs irrégulières, ils ignorent le
contre-point, etc...