La Chine, moeurs, usages, costumes

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La Chine, moeurs, usages, costumes
La Chine, moeurs, usages, costumes.
WF00007B
Western
French
Antoine Bazin (1799-1862.0)
1: n.p.
1825
Paris: Didot
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Les Marionnettes

LES derniers voyageurs qui ont traversé l’Empire chinois, étonnés d’y
trouver des Marionnettes parfaitement semblables à celles que l’on
montre en Europe, ont fini par ne plus savoir lequel des deux peuples
avait légué à l’autre cette invention singulière. Si les Marionnettes
ont en effet passé les mers pour se naturaliser chez nous; que penser de
l’illustre Brioché, leur inventeur, et de Voltaire, son historiographe!
En serait-il comme de la découverte de la boussole, revendiquée par le
peuple chinois, et dont on a si long-temps fait honneur à un moine
d’Amalfi ?[1]

Mais nos Marionnettes sont devenues de bien mauvaise compagnie, tandis
que les Marionnettes chinoises ont conservé toute leur pureté primitive.
Il y a jusque dans la manière dont ce jeu enfantin se trouve disposé,
d’après le peintre PU-QUA du moins, quelque chose de simple et
d’original à la fois, qui ne se retrouve plus ailleurs. Le bateleur, qui
met les poupées en mouvement, est monté sur un tabouret, et enveloppé
jusqu’à la cheville du pied de larges draperies d’indienne bleue. Une
boîte, représentant un petit théâtre chinois, est appuyée sur ses
épaules, et s’élève au-dessus de sa tète. Il voit sans être vu. Ses
mains agissent, se multiplient, sans qu’on devine les moyens qu’il
emploie pour imprimer des allures humaines à de très-petits automates,
et leur faire représenter une espèce de comédie. Bien différons de notre
Polichinelle, assommant tout à coups de bâton, jusqu’aux gendarmes et au
commissaire, et finissant par être aux prises avec un pauvre chat
enchaîné, qui depuis peu remplace le diable, ces Artistes en miniature
agissent toujours avec beaucoup de retenue et de bienséance.

C’est l’amusement le plus piquant que l’on puisse offrir à l’enfance, et
l’on n’est point tourmenté de l’appréhension de voir germer en de jeunes
âmes quelques idées trop précoces, de nature à en altérer l’innocence si
précieuse.

[1] Flavio Gioia, né à Positano, château dans le voisinage d'Amalfi,
vers l'an 1300. Pour apprendre à la postérité, dit-on, que la boussole
avait été inventée par un sujet des rois de Naples (alors cadets de la
maison de France), il marqua le Nord avec une fleur-de-lys.